Au plus proche des préoccupations quotidiennes des collègues, l’Unsa 74 a fait le constat des difficultés de logement des agents. Dans un premier temps, en assurant le suivi des personnels, puis en les invitant à s’exprimer de manières anonymes et enfin en étudiant les données publiques de différents organismes publics, privés ou associatifs.
Dans notre enquête du mois de juin 2022, 72% d’entre vous nous ont confié avoir des difficultés à vous loger :
« Lorsque je recherchais un logement en location sur le secteur de la Roche-sur-Foron (et un rayon de 20 min aux alentours), impossible de faire une seule visite malgré mes nombreuses demandes, car je ne gagnais pas assez. Les différents propriétaires m’ont dit clairement qu’ils privilégiaient les salaires suisses »
» Je suis obligée de me loger dans un appartement de 45m2 et 1 chambre (2 ados) …. car mon salaire ne me permet pas de louer plus grand. À 35 ans, professeur des écoles, je dors sur un canapé-lit…. je trouve ma situation honteuse. »
« Les banques refusent de nous faire un prêt si on n’est pas frontalier, mots prononcés par ma conseillère de banque). Je suis dans l’obligation pour survivre alors que je suis enseignante de faire des ménages les week-ends pour subvenir aux besoins de mes enfants et je vis en HLM, mais même en HLM je dois payer 800 euros de loyer. »
« je ne peux pas obtenir de logement aidé, car certains ont des revenus plus bas et je ne peux pas obtenir de logement dans le privé, car je ne gagne pas assez »
« Je suis contrainte de vivre en colocation »
» Je travaillais dans les Bouches-du-Rhône auparavant, et j’avais une indemnité de résidence alors que notre loyer était inférieur à celui de Haute-Savoie! »
D’autres situations, plus rares, mais plus dramatiques nous aussi été rapportées, comme l’impossibilité de quitter son conjoint ou l’obligation de dormir dans sa voiture.
Les conséquences, en plus ce celles précitées sont nombreuses : éloignement important entre le lieu de vie et le lieu de travail, fatigue liée aux transports, coût du transport, mise en disponibilité ou démission. L’attractivité déjà faible de la fonction publique s’écroule dans de telles conditions et les postes peinent à être pourvus.
Le Snep-Unsa 74 ne pouvant en rester là a décidé de chiffrer les difficultés liées au logement.
Selon l’INSEE le revenu médian, les écarts entre les plus riches et les plus pauvres, les prix à location et à l’achat sont largement supérieurs dans notre département aux données médianes de la région ou du pays.
Selon le site spécialisé Pandaloc Annecy est la ville au loyer le plus élevé en dehors de la région parisienne.
Selon le site ecologie.gouv ( https://www.ecologie.gouv.fr/carte-des-loyers )un loyer est près de 3 fois plus élevé en Haute-Savoie que dans la Marne, 2 fois pus élevé que sur le reste de la France.
Selon L’ADIL :
- · Compte tenu de l’attractivité de la Suisse et du tourisme, la population est plutôt aisée (revenu médian 26540€ contre 21930€ en France ), mais on observe des inégalités marquées et un besoin en logements abordables.
- · La Haute-Savoie atteint le 2e rang des loyers du parc privé les plus élevés (hors Île-de-France).
- · Un parc locatif social en croissance, mais insuffisant. (29000 demandes de logements sociaux en 2022,+11% en un an, en hausse constante, mais seulement 5197 sont satisfaites).
- · Le taux de logements sociaux est plus faible que le reste du territoire même s’il est en progression. De fortes disparités territoriales subsistent.
- · Pour obtenir un logement social le revenu moyen par UC est de 1353 euros, l’âge moyen des demandeurs est de41 ans et le délai est de 18 mois (totalement incompatible avec le système de mutation de l’EN)
Selon la FNAIM le prix d’achat moyen au mètre carré est de :
- · 10283 E/m² à Chamonix
- · 5418 E/m² à Annecy
- · 3793 E/m² à Thonon
- · 3732 E/m² à Annemasse
- · 3297 E/m² à Chambéry
- · 2877 E/m² à Grenoble
Au niveau de l’État, un parc locatif est existant, mais d’une part il est très méconnu et d’autre part aucune publicité n’est effectuée, souvent mal situé, loin des zones d’activité professionnelle, mais surtout en nombre réellement insuffisant.
- Réservations de 20 logements en 2022 par le MENJ pour toute l’académie de Grenoble
- Aucune réservation conventionnelle en AURA en 2022 Source : CP Logement de la CIAS d’octobre 2022
- Démarches obscures pour bénéficier du 5 % préfectoral, l’agent devant non seulement ouvrir un compte, mais en plus informer la personne référente de son administration (sans que celle-ci soit indiquée sur le site)
Sources : préfecture de Haute-Savoie
+ Aucune indication sur le site de l’académie
Tout ceci est donc inaccessible aux agents de l’État, loyer trop cher pour nos salaires (pour rappel, le revenu doit être 3 fois supérieur au loyer soit environ 2500 euros pour un F2), l’accession au logement social impossible vu la demande le temps d’attente et le nombre très faible d’offres en PSLA, BRS ou accession à prix maîtrisé, l’achat impossible, la situation de double résidence impensable.
Que faire ? Les rapports officiels sur l’attractivité de la fonction publique de l’OCDE, sur les perspectives salariales expriment l’urgence à agir au niveau du logement et notamment dans les zones extrêmement tendues telles que les zones frontalières.
Les élus locaux, l’association des maires de France, députés, sénateurs sont alertés et ont été rencontrés, le « Livre blanc » a été remis aux ministres. Les constats sont les mêmes :il y a urgence !
Il y a urgence à :
- Augmenter le nombre de logements en accès abordables à la propriété (et les rendre accessibles en priorité aux fonctionnaires) : https://www.annemasse-agglo.fr/logement-abordable ; tout en baissant le prix d’achat. 3300 euros le m² n’est pas à porter de bourse d’un agent public
- Renforcer l’action sociale avec une véritable amélioration de l’accès au logement soit par achat, soit par location
- Plafonner les prix des logements neufs
- Créer de logements liés à la fonction avec un loyer adapté au salaire
- Relever le seuil des 5 % de logements réservés aux agents de l’État fixé par le Code de l’habitation et de la construction et les placer dans les secteurs à forte demande. Nous rappelons aussi que ce seuil est loin d’être atteint dans le département et que d’autres publics sont prioritaires par rapport aux agents et que la nouvelle gestion en flux compliquera encore l’accession à ses logements.
- Récupérer du foncier de l’état, des collectivités pour construire et louer aux fonctionnaires
- Relever le seuil des 5 % de logements réservés aux agents de l’État fixé par le Code de l’habitation et de la construction et les placer dans les secteurs à forte demande. Nous rappelons aussi que ce seuil est loin d’être atteint dans le département et que d’autres publics sont prioritaires par rapport aux agents et que la nouvelle gestion en flux compliquera encore l’accession à ses logements.
- Revoir les zonages Pinel pour les montants des APL, les plafonds de ressources (pour logement intermédiaire ou social, les aides à l’accession) cela permettrait de prendre en compte la cherté de la vie
- Encourager la construction neuve et accessible
- Encourager la location sociale et intermédiaire avec option d’achat voir ICI https://www.anil.org/votre-projet/vous-achetez-vous-construisez/achat-et-vente/accession-progressive/
- Créer une solution de cautionnement locatif par l’employeur
Mais la solution à tout cela est encore plus simple. Il y a urgence à revaloriser de manière conséquente et sans contreparties les salaires et pensions des agents publics, actifs ou retraités, MAIS AUSSI à indexer les indemnités sur celles de l’administration centrale, à créer des indemnités de résidence en rapport avec la réalité du terrain ainsi que des indemnités de logement.
Les premières réponses :
Le Ministère nous rappelle être bien conscient des difficultés de notre département liées au coût de la vie et qu’il se rapprochera du ministère de la Fonction publique et de l’Éducation.
Le ministère nous répond dans un premier temps sur 5 points puis reviendra vers nous par écrit pour plus de détails et d’informations chiffrées.
- 1. Accession sociale : Volonté d’agir en adaptant le plafond de ressources et en mobilisant des prêts à long terme jusqu’à 80 ans.
Notre avis : Adapter le plafond de ressource est une revendication de l’UNSA, mais cette modification doit être significative.
Augmenter la durée du prêt c’est également augmenter le montant des intérêts, étendre la difficulté sur de nombreuses années. Cela peut être vu comme une solution d’urgence, mais la qualité de vie n’est pas augmentée
- 2. Révision des zonages : le ministère est en train de mener une révision des zones en urgence pour 200 communes et une seconde révision est en projet pour 2024. (voir aussi ce document page 11 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/05_06_2023_CNR_Logement-DP.pdf )
Notre avis : Pour l’UNSA, les différentes zones doivent être revues en incluant de nouvelles communes tout en conservant les anciennes. Ces zones doivent être élargies et revalorisées.
- 3. Caution locative : le ministère travaille sur le développement du dispositif VISALE https://www.visale.fr/ (caution gratuite, mais non cumulative) pour tous les jeunes de moins de 30ans
Notre avis : L’Unsa revendique une caution financée intégralement pour tous les agents par l’employeur.
- 4. Logement en lien avec la fonction : Une expérimentation est en cours avec les hôpitaux de Paris
Notre avis : Pour l’Unsa cela peut être une solution à court et moyen terme, mais le fonctionnaire doit être en capacité financière de devenir propriétaire. Il faut donc des mesures complémentaires pour l’accession à la propriété.
- 5. Logements intermédiaires : Volonté de développement de ce dispositif dans les communes chères.
Notre avis : Cela correspond à une revendication de l’UNSA à condition que le nombre de logements soit important et les prix véritablement accessibles. Ce dispositif nécessite du foncier disponible, bien rare dans notre département.
Le ministère nous dit que les autres sujets abordés ne sont pas oubliés, mais il ne nous semble pas être leur priorité.
Pour le Snep UNSA et l’UNSA 74 l’enjeu est double.
- Rétablir une équité territoriale en aidant plus ceux qui en ont le plus besoin.
- Prendre en compte le difficile accès au logement des agents publics comme un frein à l’attractivité.
Il faut aller encore plus loin dans les réponses institutionnelles. Pour cela nous demandons des compensations fortes et à la hauteur des réalités de terrain pour permettre aux agents publics haut-savoyards de se loger dignement : augmentation des salaires et des pensions, augmentation des indemnités de résidence et création d’indemnités de logement.
S’il est plus difficile de militer que de se résigner, au Snep-Unsa nous continuerons à militer encore et encore, pour défendre les intérêts de la profession